Cri du coeur

Ce texte a été écrit par une étudiante en sixième année de médecine à la création du collectif Kerfull pour exprimer le besoin au quel ce collectif souhaite répondre.

 

J’avais besoin de poser des mots sur ce drôle de sentiments d’inachevé, d’incompréhension et de cette impression que tout va trop vite, et qu’on loupe le plus important. Déjà, c’était dur de cerner ce qui n’allait pas. C’est évident maintenant : cela fait 4 ans que je sillonne les couloirs de l’hôpital et je n’y trouve pas ma place. Pire, je ne trouve pas de sens à la prise en charge que mes internes effectuent à la chaîne depuis leur 6 mois de stage. Oui, je sais qu’ils n’ont pas le choix, qu’ils subissent la pression d’une structure qui surpassent leur capacité d’action, je sais que le manque de temps fait d’eux des machines à acter, à côter, à faire rentrer, à faire sortir, bref, faut que le service fasse sont biz, qu’il rentabilise…

Je vois que c’est ça leur définition « d’apprendre ».

Moi je ressens surtout une grande violence, je dis violence car subir une pression de la part des politiques d’en haut, qui s’insinuer à travers une remarque cinglante de son cadre de santé service ou de son médecin sénior, bah c’est pas annodin.

Mais surtout, je refuse de dire que l’on « faut s’habituer, c’est comme ça », ou pire « les meilleurs sont passés par là, c’est comme ça qu’on se forge ». ne trouvez vous pas dans ces phrases une légère violence partiarcale ? « vas y mon fils, va te battre, subit cette violence dans tout ton corps, tu reviendras guerrier légitime ». voilà ce que l’on subit : ce discours de la douleurs, d’être dur au mal nous accompagne tout le long de notre parcours mais cela pourrait nous empêcher d’entendre la douleur de l’autre. Alors comment réussir à s’en détacher quand cela implique votre avenir, votre diplôme, vos projets de faire du SOIN. Comment être doux avec soi et avec les autres si l’on pousse dans la violence ? comment écouter l’autre qui souffre lorsque ceux qui nous dominent ne veulent qu’un résultat chiffrable car apparemment, c’est ça leur définition de la « guérison ».

Et si notre parcours pédagogique peut se vanter de nous organiser des « cours d’éthique », c’est bien là un signe d’hypocrisie sans nom : on nous donne de grands principes, ou nous les faits apprendre par cœur pour bien les cocher à l’examen mais au final, comment les traduire dans notre pratique de soignant au quotidien lorsque notre prise en charge est étouffée par des discours violents empreint de jugement ignorants et discriminants sur les personnes.

Et oui, moi aussi je suis rentrée dans le parcours du soin dans la visée de « faire du care, non pas du cure » mais voilà, je me suis sentie très vite rattrapée par les intitutions : face à mon ignorance à prendre en charge les personnes hors des standards, des normes, je veux parler des personnes en obésités, les personnes qui ne peuvent plus communiquer verbalement ne pouvant même plus écrire, les personnes alcooliques, qui iront boire juste après leur ponction d’ascite, les personnes qui ne prennent pas leur traitement, les enragés qui arrachent les tubulures qui ralentissent tout le service infirmier ?

Ceux qui seront décriés comme « gros chieur, c’est une croûte, c’est la fin de toute façon on peut rien faire de plus, oh la la celle là mais t’as vu tout ce qu’elle bouffe ? nan mais en vrai ça me dégoute ces gens là ils travaillent pas, ils vivent d’aides et on les soigne alors que y a des français qui travaillent depuis des années et qui galèrent, la meuf du 136 là elle veut que je l’appelle il nan mais elle veut vraiment attirer l’attention celle là, je sais pas si je rentrer dans son jeux » dans la salle de pause, au staff, dans la salle des internes… ou entre externes…

Ce sont des discours qui sont tous sauf innocents, car cela se ressent dans leurs actes, leur ignorance et leur mépris pour les gens qui sortent des cases.

Sauf que toutes ces personnes, et bien moi non plus, je vois bien que je peux rien faire, je n’arrive pas toujours à leur parler, il se peu très problement que mon ignorance sur leur situation m’ai fait dire quelque chose de blessant ou un geste clinique inaproprié. Je m’en veux oui, mais j’en veux aussi au système qui ne nous donne pas les outils ni l’écoute et qui pensent que les bons gestes au bon moment à la bonne personne QU’ELLE QU’elle soit innée ou bien que cela ne vaille pas la peine d’être connu.

Donc ce serai cool qu’on s’en donne les moyens, de les choper ces outils, même si ça va ptete prendre du temps et qu’on va devoir se frotter à une armée de boomer à la cravate synthétique bien sérée mais bon, ça vaut le coup moi je pense !