L’intersexuation désigne la situation sociale des personnes nées avec des caractéristiques sexuelles primaires et/ou secondaires considérées comme ne correspondant pas aux définitions sociales et médicales typiques du féminin et du masculin. Cela concerne 1,7 à 4% de la population. Par opposition, les personnes non intersexes sont dites dyadiques.
Quand on aborde ce sujet, il est déjà primordial d’utiliser les bons termes : on ne parlera jamais d’hermaphrodisme, terme faux et déshumanisant. On retrouve aussi fréquemment le terme « intersexualité », également impropre car renvoyant à la notion de sexualité (or l’intersexuation n’est pas une orientation sexuelle). On utilisera donc « intersexué.e », « personne intersexe » et « intersexuation ».
La définition de l’intersexuation regroupe différentes variations : variations des organes génitaux, des chromosomes ou des taux hormonaux. Dans nos formations, le mot intersexe n’est jamais utilisé : on parle de pathologies, de syndromes (Kleinfelter par exemple). Cette terminologie entretient la perception de l’intersexuation par les soignant.es comme une pathologie plutôt qu’un vécu. Or, ces situations sont, pour la plupart, sans danger pour la santé. Si ce sont des variations non pathologiques, alors la médecine n’aurait aucune raison d’intervenir.
Du point de vue historique, l’intersexuation est placée sous le sceau du secret et du tabou. Les premiers intérêts notables pour la condition intersexe démarrent au 19ème siècle. A cette époque, on parle de maladie congénitale, de malformation, de pseudo-hermaphrodisme, de désordre du développement sexuel (etc…). A cette période, c’est le « paradigme John Hopkins » qui fait loi. Les corps intersexes sont considérés comme « malades » ce qui donnerait le droit au médecin d’opérer qui bon lui semble, et surtout les enfants. Ce paradigme part du principe que chaque enfant peut devenir un homme ou une femme du moment qu’il ressemble à l’un ou à l’autre et qu’il est éduqué comme tel.
Le traitement de l’époque repose alors sur 3 piliers :
- L’assignation d’un sexe et d’un genre par des moyens chirurgicaux et hormonaux
- Le secret, l’enfant ne doit jamais savoir
- La prévision d’une sexualité hétérosexuelle pour l’enfant
Si ce n’est le dernier point (où des progrès sont à noter), on constate qu’encore aujhourd’hui ces idées prévalent.
L’idée qu’il puisse existe plus que deux sexes bouleverse l’ensemble de la société et ses fondements. C’est un discours qu’on ne veut pas entendre. Et c’est précisément pour cette raison que la médecine impose encore des traitements hormonaux (castration chimique), des actes médicaux (pénétrations forcées), des opérations chirurgicales à des nourrissons, des enfants, des adolescents (l’idée étant de façonner un sexe pénétrable ou pénétrant). On refuse avec tant de vigueur l’existence de personnes ne rentrant pas dans la case standard « d’homme » et « femme » qu’on est prêt à mutiler des enfants.
Qui plus est, ces interventions ont des conséquences graves sur la santé physique, psychique et sexuelle (douleurs, infections, cicatrices, perte de sensibilité, traitement hormonal à vie, honte, dépression, isolement social, précarité). Pour la plupart, ce sont des actes invasifs, irréversibles et réalisés sans consentement.
Le consentement est libre et éclairé ou il ne l’est pas : tant que la personne intersexe elle même n’a pas donné son consentement à intervenir médicalement, alors c’est une violation de ses droits humains. Ces violations ont été condamnées à plusieurs reprises, notamment par l’ONU et la DILCRAH. Les interventions sans nécessité médicale sur les enfants intersexes sont hors loi. Les parents ne peuvent pas consentir à ces actes à la place de leurs enfants.
Mais quelle est la place du corps médical ?
Il est d’abord important d’accompagner les parents en gardant toujours comme priorité l’intérêt et le bien-être de la personne intersexe. Les parents et les personnes intersexes doivent recevoir une information fidèle, bienveillante, non pathologisante, sans donner une fausse impression d’urgence. On peut également les orienter vers des associations comme le CIA-OII.
Enfin, nous vous proposons une dizaine d’idées de « bonne pratique », qui découlent directement ce que vous avez déjà pu lire :
- 1° S’adresser aux personnes avec des termes adéquats, dans lesquels iels se reconnaissent, se sentent compris, écoutés et respectés.
- 2° Une personne intersexe peut être désireuse d’une procédure de réassignation de genre : il faut s’assurer de la bonne information et du consentement de lae patient.e et s’assurer de ne pas se montrer trop envahissant en ne posant que des questions nécessaires (pas de « curiosité »).
- 3° Le consentement est une part essentielle de notre pratique mais l’est encore plus dans ce cadre : souvent victimes d’abus médicaux, les personnes inter ont besoin, au même titre que tout autre patient d’ailleurs, que leur consentement soit recueilli. Il n’est certainement pas question d’imposer son point de vue.
- Si c’est un enfant en âge de donner son consentement : ne rien faire sans le dit consentement de cet enfant. Faire une consultation bioéthique avec les patients pour leur expliquer les conséquences des chirurgies et traitements.
- Clarifier le ratio bénéfice/risque : risque des interventions sur la fertilité, le fonctionnement des organes sexuels, l’ajustement psychologique et social, la continence, effets hormonaux, psychiatriques, complications opératoires, nécessité de multiplier les actes parfois
- Informations nécessaires à fournir : intervention indispensable ou optionnelle, réversible ou non, possibilités de transition si dysphorie de genre post assignation, délais de reflexion
- 4° Concernant les chirurgies, et notamment celles des enfants, seule la question de la nécessité absolue pour le maintien de la bonne santé se pose. Si on ne rentre pas dans ce cadre, alors on ne fait rien. L’enfant, en grandissant, sera à même de prendre les décisions concernant son corps, mais les lui imposer constitue une vécu traumatique évident qu’il est plus que nécessaire d’arrêter.
- 5° Concernant les examens médicaux : les personnes inter ont le droit à la pudeur et à la discretion, ce ne sont pas bêtes de foire qu’il faut “absolument que je te montre” !!
- 6° Guider les personnes inter dans leur sexualité et leur vie sexuelle : contraception, procréation, information sur la santé sexuelle et les IST, dépistages etc… les prendre en charge comme un patient quelconque en tenant compte des particularités de chacun. A noter que les préservatifs externes ne sont quasiment jamais adaptés aux personnes inter. On peut guider avec bienveillance et précaution la protection vers des digues dentaires ou des préservatifs internes. Il existe néanmoins des protections spécifiquement pensées pour les personnes inter, sur lesquels on peut/doit se renseigner.
- 7° Les personnes inter ont les mêmes droits reproductifs que n’importe qui : droit à l’accompagnement de grossesse, à la PMA, à la FIV, à la contraception réversible ou définitive. Quoi qu’il en soit, la décision et la demande doivent venir de lae patient.e et non l’inverse.
- 8° Concernant le risque de cancérisation : existant mais ne justifiant certainement pas l’ablation systématique des gonades internes. Ce sont le plus souvent des tumeurs bégnines et monitorables. Maintenir les gonades internes permet l’apport d’hormones endogènes, une puberté naturelle, le respect de l’intégrité physique et sexuelle et la possibilité du choix
- 9° Concernant la puberté : choix de l’enfant, même pour les insensibilités aux hormones (“risque” de puberté virilisante… pour autant c’est un choix personnel qui doit être accompagné sans être imposé ou influencé).
- 10° Si vous êtes témoins de situations abusives : possibilités de signalements anonymes à la fois par courrier et par téléphone (informations sur le site du CIA)
- 11° Comment choisir le genre d’un nouveau né intersexe : comme ce sont des situatuons qui sont médicalement très bien connues, on n’a pas besoin d’intervenir pour connaitre les caractéristiques sexuelles que la personne aura. On peut faire l’assignation depuis ces informations. Des fois, plus rarement, on devra faire une décision arbitraire. De toute façon, on ne saura jamais par avance la manière dont l’identité de genre de l’enfant évoluera. Dans ce cadre, il faut simplifier la vie du futur individu en souscrivant à la norme sociale et légale actuelle (même si nous vous invitons à la remettre en question). En tout cas, il n’est pas nécessaire d’opérer pour assigner un genre de naissance.
- 11° Concernant l’accompagnement psychologique : intérêt d’un accompagnement non pathologisant, ayant pour but principal l’aide à l’acceptation/ la compréhension de sa différence, sans appeler au changement. Proposer une liste de ressources psychologiques dans les environs directs de la personne, à adapter en fonction du budget et des envies des personnes soignées (permanences associatives, CMP, CROUS, lignes d’écoutes, consultations internes à l’hopital avec des soignant.es formés à ces questions).
Pour conclure : STOP AUX MUTILATIONS INTERSEXES