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A nos corps ingouvernables
Alors que la médecine devrait être un ressort du soin, de la fortification des vivants, elle est aujourd’hui et depuis son accaparement occidental, bourgeois et patriarcal, juste un pouvoir mortifère.
Je m’explique. En voulant soigner, la médecine occidentale a créé une norme des corps. Un validisme corporel, social, psychologique. Le soin n’est alors qu’un objet de pouvoir sur nos corps voulant à tous prix les faire rentrer dans la norme. Norme sexuelle, homme-femme, norme valide, voyant-aveugle, mobile-paralysé, mince-gros/grosse… norme psychologique heureux-fou/folle, mais en réalité surtout norme capitaliste, productifs-improductifs/improductives. En créant cette norme, la médecine créer par le même temps les corps déviants qu’elle doit gouverner.
Alors les corps déviants, ceux qui ne rentrent pas dans leurs normes, les corps ingouvernables, ne sont plus le lieu de soin mais celui de violence. Parce que l’ingouvernabilité fait peur. Parce que le médecin face à cela perd son pouvoir, il y répond avec violence. Mutilation des intersexes, régimes hyperrestrictifs entraînant regain inéluctable de poids et de mal-être, psychiatrisation, racisme sexisme…
Et si cela existe c’est parce que la médecine s’est construit dans ce système d’ordre bourgeois hétéro-patriarcal capitaliste écocide. On vit dans un système qui désire tout contrôler. Où gouverner revient à arracher toutes les herbes sauvages qui pousse tant bien que mal, surtout mal, dans les fissures de ses trottoirs en béton. Le système dans lequel on vit, dans son désir de gouverner le monde, préfère détruire le vivant, la nature, les forêts, les steppes et les marécages, pour asseoir son pouvoir, plutôt que de lui laisser la place de grandir. A la faveur de ce système de gouvernance, la médecine s’est imposée en corporation alors même qu’elle n’avait fait aucune preuve d’efficacité, alors qu’elle se basait sur des théorie d’humeur et qu’elle soignait tous mal à coup de saignées. La médecine s’est imposée en brûlant les femmes et les hommes qui soignaient avec les plantes, qui faisaient les accouchements et les avortements, qui étaient pauvres et qui soignaient les pauvres autour d’elleux. Tuant ainsi des générations de transmissions orale d’un soin accessible et plus efficace, la médecine actuelle repose sur les cendres des sorcières. En créant une profession ordinale où il fallait faire plus de 8 années d’études théorique avant de voir un malade, la médecine s’est auto-entretenue dans un pouvoir bourgeois inaccessible. Et cela perdure encore aujourd’hui à coup de concours et de surcharge de travail. Quiconque n’a pas des bases psychologique, financière, n’est exempt de maladie, avec un soutient familial et social serein, ne survit pas dans ces études. Les études de médecines maltraitent nos corps et nos esprits, nous façonne pour nous faire rentrer dans sa norme (celle des saignée et du sang des sorcières).
Alors quoi ? Oui on fait parti de cette population de personnes sélectionnée et qui rentre tout à fait dans leurs désirs. Mais on peut sortir de ça, on peut se décaler. On peut leur dire non, non moi mon désir n’est pas un désir de pouvoir. Non je refuse de vouloir gouverner le vivant, je refuse de vouloir le faire rentrer dans des cases. Je vais passer ton concours de merde parce que c’est la seule façon aujourd’hui de pouvoir soigner les personnes précaires pour qu’elles puissent avoir un soin remboursé. Mais je vais aussi apprendre autrement, essayer d’aller voir ailleurs ce qui se passe. Je vais écouter, je vais me reconnecter avec le reste du monde. Si je reste dans vos ordres c’est parce que vous avez tout détruit autour, mais je n’y croit plus et je décide de faire diffuser ce pouvoir que j’ai acquis.
Je suis d’la mauvaise herbe brave gens brave gens, c’est pas moi qu’on rumine et c’est pas moi qu’on met en germe…
Et si on vit dans un système mortifère -on vit dans un système mortifère- alors je me battrais au côté de celleux qui veulent détruire ce système et reconstruire autre chose. Je ne ferais pas un soin apolitique car celui-ci n’existe pas, s’il ne se revendique pas c’est qu’il reste enchaîné dans le vieux système (celui qui met les gens en cases).
Si je suis cette matière malléable qui a réussi à s’adapter pour rentrer dans ce système, pour y apprendre les codes et cocher ses cases. Alors je suis tout aussi malléable pour faire faire à mon esprit ce pas de coté, pour lui faire prendre en compte tous les autres possibles. Un autre soin est possible. Et nos corps déviants resteront ingouvernables.
Cri du coeur
J’avais besoin de poser des mots sur ce drôle de sentiments d’inachevé, d’incompréhension et de cette impression que tout va trop vite, et qu’on loupe le plus important. Déjà, c’était dur de cerner ce qui n’allait pas. C’est évident maintenant : cela fait 4 ans que je sillonne les couloirs de l’hôpital et je n’y trouve pas ma place. Pire, je ne trouve pas de sens à la prise en charge que mes internes effectuent à la chaîne depuis leur 6 mois de stage. Oui, je sais qu’ils n’ont pas le choix, qu’ils subissent la pression d’une structure qui surpassent leur capacité d’action, je sais que le manque de temps fait d’eux des machines à acter, à côter, à faire rentrer, à faire sortir, bref, faut que le service fasse sont biz, qu’il rentabilise…
Je vois que c’est ça leur définition « d’apprendre ».
Moi je ressens surtout une grande violence, je dis violence car subir une pression de la part des politiques d’en haut, qui s’insinuer à travers une remarque cinglante de son cadre de santé service ou de son médecin sénior, bah c’est pas annodin.
Mais surtout, je refuse de dire que l’on « faut s’habituer, c’est comme ça », ou pire « les meilleurs sont passés par là, c’est comme ça qu’on se forge ». ne trouvez vous pas dans ces phrases une légère violence partiarcale ? « vas y mon fils, va te battre, subit cette violence dans tout ton corps, tu reviendras guerrier légitime ». voilà ce que l’on subit : ce discours de la douleurs, d’être dur au mal nous accompagne tout le long de notre parcours mais cela pourrait nous empêcher d’entendre la douleur de l’autre. Alors comment réussir à s’en détacher quand cela implique votre avenir, votre diplôme, vos projets de faire du SOIN. Comment être doux avec soi et avec les autres si l’on pousse dans la violence ? comment écouter l’autre qui souffre lorsque ceux qui nous dominent ne veulent qu’un résultat chiffrable car apparemment, c’est ça leur définition de la « guérison ».
Et si notre parcours pédagogique peut se vanter de nous organiser des « cours d’éthique », c’est bien là un signe d’hypocrisie sans nom : on nous donne de grands principes, ou nous les faits apprendre par cœur pour bien les cocher à l’examen mais au final, comment les traduire dans notre pratique de soignant au quotidien lorsque notre prise en charge est étouffée par des discours violents empreint de jugement ignorants et discriminants sur les personnes.
Et oui, moi aussi je suis rentrée dans le parcours du soin dans la visée de « faire du care, non pas du cure » mais voilà, je me suis sentie très vite rattrapée par les intitutions : face à mon ignorance à prendre en charge les personnes hors des standards, des normes, je veux parler des personnes en obésités, les personnes qui ne peuvent plus communiquer verbalement ne pouvant même plus écrire, les personnes alcooliques, qui iront boire juste après leur ponction d’ascite, les personnes qui ne prennent pas leur traitement, les enragés qui arrachent les tubulures qui ralentissent tout le service infirmier ?
Ceux qui seront décriés comme « gros chieur, c’est une croûte, c’est la fin de toute façon on peut rien faire de plus, oh la la celle là mais t’as vu tout ce qu’elle bouffe ? nan mais en vrai ça me dégoute ces gens là ils travaillent pas, ils vivent d’aides et on les soigne alors que y a des français qui travaillent depuis des années et qui galèrent, la meuf du 136 là elle veut que je l’appelle il nan mais elle veut vraiment attirer l’attention celle là, je sais pas si je rentrer dans son jeux » dans la salle de pause, au staff, dans la salle des internes… ou entre externes…
Ce sont des discours qui sont tous sauf innocents, car cela se ressent dans leurs actes, leur ignorance et leur mépris pour les gens qui sortent des cases.
Sauf que toutes ces personnes, et bien moi non plus, je vois bien que je peux rien faire, je n’arrive pas toujours à leur parler, il se peu très problement que mon ignorance sur leur situation m’ai fait dire quelque chose de blessant ou un geste clinique inaproprié. Je m’en veux oui, mais j’en veux aussi au système qui ne nous donne pas les outils ni l’écoute et qui pensent que les bons gestes au bon moment à la bonne personne QU’ELLE QU’elle soit innée ou bien que cela ne vaille pas la peine d’être connu.
Donc ce serai cool qu’on s’en donne les moyens, de les choper ces outils, même si ça va ptete prendre du temps et qu’on va devoir se frotter à une armée de boomer à la cravate synthétique bien sérée mais bon, ça vaut le coup moi je pense !